Une exposition aux mycotoxines diffuse
Fumonisine B1, trichothecenes, déoxynivalénol, zéaralénone, peut-être que ces noms barbares ne vous disent rien mais ils désignent des molécules appartenant aux groupes des mycotoxines, des contaminants produits par des champignons microscopiques qui colonisent les végétaux et contaminant des céréales, grains et fourrages. Ces molécules toxiques constituent un problème majeur pour l’alimentation des hommes et des animaux. Très stables, ces molécules sont difficiles à éliminer des matières premières végétales.
Les céréales constituant la part principale de l’alimentation des porcs, ceux-ci sont particulièrement exposés aux mycotoxines. Sauf accident exceptionnel d’intoxication aigüe, les animaux ne sont pas exposés à des doses massives de ces contaminants capables de dégâts notables dans les élevages (mortalité et morbidité des animaux). Ils sont plutôt soumis à une exposition diffuse de mélanges de mycotoxines, qui, à des doses subcliniques, va altérer leur croissance, leur reproduction ou leur résistance aux maladies.
Etudier l’impact de chaque mycotoxine pour mieux identifier des marqueurs
La détection de l’exposition à faibles doses de mycotoxines des animaux est au cœur du projet ExpoMycoPig. Ce projet a pour objectif d’identifier des marqueurs biologiques de cette exposition silencieuse et multiple, avec à termes, le développement d’outils facilement utilisables sur le terrain pour éclairer les éleveurs. Dans une première étape, les chercheurs ont identifié des marqueurs spécifiques de chacune des trois mycotoxines majeures (déoxynivalénol, fumonisine et zéaralénone) auxquelles les porcs peuvent être exposés. Chacune d’elle ayant un mécanisme d’action spécifique, il faut s’assurer de la spécificité et de la sensibilité des marqueurs sélectionnés avant d’envisager de les utiliser comme témoins d’exposition à des mélanges de mycotoxines ou d’en rechercher d‘autres, spécifiques de l’exposition à ces mélanges.
Exploiter les analyses génomiques et métabolomiques
© Inra
| L’exposition à de faibles doses de déoxynivalénol (ou DON) a d’abord été étudiée. Cette exposition a été faite sur des explants d’intestin de porcs soumis à des doses de toxines équivalentes à celles potentiellement retrouvées dans l’alimentation des animaux (10 µM de DON ce qui équivaut à une contamination de 3 mg/kg d’aliment). Sur ces cultures cellulaires, les chercheurs ont réalisé des analyses métabolomiques (RMN) et génomiques (transcriptome). Elles ont permis d’identifier des changements significatifs pour environ 20 métabolites parmi lesquels des acides aminés et le glutathion. Au niveau de l’expression des gènes, le DON interfère avec la réponse immunitaire mais également le stress du réticulum endoplasmique, la synthèse protéique, le stress oxydatif, la régulation du cycle cellulaire et l'apoptose du tissu intestinal.
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Des voies de remédiation apparaissent
Des solutions de lutte contre les mycotoxines sont aussi explorées. Avec la société Lallemand, il a été mis en évidence que la présence de levure S. cerevisiae boulardii dans le milieu de culture entraine une réduction de l’expression de la majorité des voies pro-inflammatoires et/ou de l’immunité suractivées par la présence de DON. Seules 4 voies sur 19 demeurent suractivées. La présence de levure diminue aussi le stress oxydatif dû au DON.
Dans la partie finale du projet, toutes les données issues des analyses transcriptomiques et métabolomiques vont être explorées en profondeur (fusion des données) afin d’établir des corrélations entre ces deux niveaux - quels gènes sont impactés par les mycotoxines et quels métabolites sont pilotés par ces modifications d’expression - pour identifier les meilleurs témoins d’exposition.
Publications :
- GRAZIANI, Fabien et al. Deoxynivalenol inhibits the expression of trefoil factors (TFF) by intestinal human and porcine goblet cells. Archives of toxicology, 2019, vol. 93, no 4, p. 1039-1049.
- ALASSANE-KPEMBI, Imourana, et al. Saccharomyces cerevisiae boulardii reduces the deoxynivalenol-induced alteration of the intestinal transcriptome. Toxins, 2018, vol. 10, no 5, p. 199.
- MATEOS, Ivan, et al. Fumonisin-exposure impairs age-related ecological succession of bacterial species in weaned pig gut microbiota. Toxins, 2018, vol. 10, no 6, p. 230.